Un billet d’Alex Bushell | Gestionnaire, Politique stratégique
Tous les ans, le Sommet de CANARIE rassemble les grands penseurs du gouvernement, du milieu universitaire et du secteur privé pour qu’il analysent en profondeur une technologie précise, ses applications et ses retombées sur la société ainsi que la sphère politique.
Cette année, le Sommet s’est déroulé au début d’octobre, au Centre national des arts d’Ottawa, et avait pour thème un des sujets les plus brûlants de l’heure dans le monde technologique : l’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation.
- Helen Papagiannis a donné le coup d’envoi en nous offrant un aperçu de la réalité augmentée et de son avenir. Auteure de l’ouvrage Augmented Human dans lequel elle explique comment on se sert de la technologie pour forger une nouvelle réalité, Mme Papagiannis a déclaré que, bien que l’illustration la mieux connue de la réalité augmentée soit sans doute le jeu Pokemon Go, l’industrie exploite l’augmentation visuelle de nombreuses manières, notamment pour former des techniciens à entretenir les moteurs d’avion. La vue n’est pas non plus le seul sens à pouvoir être accentué. Ainsi, Metacookie combine la vision augmentée à l’odorat pour que le biscuit le plus insipide goûte exactement comme celui de votre saveur préférée.
- Issac Tamblyn, du Conseil national de recherches du Canada, nous a plongé dans les abysses du calcul différentiel et intégral pour nous montrer comment fonctionnent les réseaux neuronaux (à la base même de l’IA). Il s’est notamment attardé à la thermodynamique, sur laquelle porte ses travaux, mais aussi sur une vaste gamme d’applications, y compris les jeux de stratégie comme le go et les échecs.
- Natalie Cartwright, cofondatrice de Finn AI, a décrit le rôle que l’IA et les robots conversationnels peuvent jouer dans les services financiers dispensés aux communautés mal desservies. Sachant combien nous sommes nombreux à nous préoccuper de nos finances, les robots conversationnels proposent une plateforme à partir de laquelle sont diffusées les informations indispensables à la prise de meilleures décisions en la matière.
- Pablo Samuel Castro, de Google, a saisi l’occasion pour présenter sa formation jazz avec, en vedette, le célèbre bassiste « Algorithme IA »! M. Castro utilise l’IA pour produire musique et paroles, et il nous a régalé d’un jam endiablé sur scène avec son algorithme, tout en insistant sur le fait que l’usage de l’IA en musique a surtout pour objectif de multiplier les moyens de l’interprète, pas de le remplacer.
- Pour clôturer la première journée du Sommet, Alex Benay, dirigeant principal de l’information au gouvernement canadien, nous a donné un aperçu de l’utilisation de l’IA par l’État, notamment des marchés d’approvisionnement agiles à petite échelle qui permettront aux entreprises du pays de tester leurs outils dans la fonction publique.
- Sean Gourley, de Primer, a amorcé la deuxième journée du Sommet en discourant sur les différents types de modélisation, la modélisation bayésienne dans les paris sportifs, par exemple, ou l’usage d’algorithmes sans surveillance pour identifier les grappes dans les formations de joueurs de basketball ou les interventions lors des délibérations en réglementation. M. Gourley estime que nous devons être prêts à accueillir l’automatisation, même si cela peut causer à l’occasion des imbroglios, et accepter le fait que l’IA fonctionne le mieux quand elle s’allie à l’intuition et au savoir humains.
- Pooja Viswanathan, chef de direction de Braze Mobility, nous a parlé du périple qu’elle a vécu en tentant d’introduire son fauteuil roulant intelligent sur le marché et en sautant de la recherche universitaire à la création d’une entreprise. Mme Viswanathan a rappelé à l’auditoire qu’il faut parfois remettre l’utilisateur au cœur de l’automatisation, car les gens insistent souvent pour garder leur autonomie et ne pas la sacrifier totalement.
- Ian Kerr, titulaire de la chaire de recherche du Canada en éthique, droit et technologie, à l’Université d’Ottawa, a donné à ses auditeurs un rapide cours en droit et philosophie, et expliqué leurs liens avec la vie privée. Selon le droit nord-américain, pour qu’il y ait atteinte à la vie privée, les renseignements de nature personnelle doivent être consultés par un autre humain. De leur côté, les épistémologistes soutiennent que, lorsqu’il est question de vie privée, on devrait plutôt parler d’entités capables de percevoir ou de comprendre, fussent-elles humaines ou pas. Sous cet angle, un algorithme pourrait donc être coupable d’atteinte à la vie privée, même si aucun œil humain ne s’est jamais posé sur les renseignements personnels examinés.
- Enfin, Robin Winsor, chef de direction de Cybera, le réseau de la recherche et de l’éducation de l’Alberta, a préparé l’auditoire à un avenir marqué par l’IA, récapitulant les exposés des deux journées du Sommet. Bien que l’avenir annoncé par l’IA ne soit pas nécessairement glauque, M. Winsor n’a pas caché que l’avènement de l’automatisation exigera d’importants changements dans les politiques sociales si l’on veut préserver les emplois.
Comme toujours, les participants ont pu questionner les conférenciers et s’entretenir avec eux, de sorte que les nombreuses problématiques évoquées se sont complétées par des échanges très intéressants à la pause-café. Les préparatifs de l’édition 2019 du Sommet ont déjà commencé et, malgré mon manque d’objectivité, je pense que vous devriez absolument en noter la date sur votre calendrier dès qu’elle aura été dévoilée!