Un billet de Scott Henwood | Directeur, programme Logiciels de recherche
En septembre 2018, CANARIE entreprenait un deuxième sondage auprès des créateurs canadiens de logiciels scientifiques avec le concours du Software Sustainability Institute (SSI), du Royaume-Uni. L’exercice devait nous en apprendre davantage sur ces Canadiens qui rédigent des logiciels en vue de faciliter la recherche dans les universités. Le sondage figurait parmi les nombreux du même genre, lancés simultanément dans d’autres pays. Au cours des mois qui viennent, le SSI produira un rapport qui en comparera les résultats. Dans l’intervalle, j’aimerais partager avec vous quelques points saillants du sondage canadien.
Tout d’abord, je tiens à remercier ceux qui ont pris le temps de répondre au questionnaire. Cette année, vous avez été 102 à le faire. CANARIE compte sur les commentaires que formule la profession pour adapter son programme Logiciels de recherche afin qu’il serve mieux le milieu de la recherche au pays. Étant donné le nombre de chercheurs qui recourent à des logiciels de nos jours, les résultats du sondage devraient également avoir leur utilité pour ceux qui subventionnent la recherche ainsi que pour les institutions scientifiques proprement dites.
Abattre les stéréotypes
Affirmer que ceux qui mettent au point des logiciels scientifiques sont essentiellement des postdoctorants détenant une maîtrise suffisante de l’informatique pour les aider dans leurs travaux est un peu un stéréotype au sein de la collectivité internationale. Mais en va-t-il ainsi au Canada? Pas du tout.
Qui crée les logiciels utilisés pour la recherche universitaire au pays, dans ce cas?
Le sondage révèle que le degré d’instruction des développeurs varie, cependant la plupart possèdent une formation en technologies de l’information (TI), plutôt que dans une autre discipline scientifique. Plus important encore, la moitié des répondants s’identifient en tant que développeurs professionnels, et les trois quarts exercent un travail à plein temps dans leur institution.
Déboulonnant le mythe que les chercheurs rédigent souvent leur propre code, 31 % des répondants rapportent créer des codes qui seront principalement exploités par d’autres, alors que 4 % utilisent ce code essentiellement pour eux. D’autre part, 56 % des répondants indiquent changer régulièrement de chercheur avec lequel ils collaborent.
Portrait de la profession
Comme c’est le cas ailleurs dans le monde, brosser le portrait des développeurs canadiens de logiciels scientifiques est malaisé, car le titre du poste varie considérablement. En effet, parmi les cent personnes qui ont répondu à cette question, soixante-dix occupaient un poste nommé différemment. La réponse revenant le plus souvent (programmeur d’applications) n’a été mentionnée que cinq fois!
Bien que la formation suivie par les développeurs ait tendance à se concentrer dans les TI et en physique, les répondants appuient la recherche dans 42 disciplines couvrant tous les champs de recherche.
Fait intéressant, 48 % de ceux qui ont répondu au questionnaire signalent déjà faire partie d’une équipe en informatique ayant pour tâche d’épauler les chercheurs de leur institution. Après en avoir discuté avec les membres de la profession, nous pensons que ces équipes restreignent leur collaboration aux chercheurs d’une même faculté, plutôt qu’à ceux de l’institution entière (c’est du moins ce qui semble être le cas dans les universités), un point qu’il faudra éclaircir au prochain sondage.
Développer un logiciel
En ce qui concerne les technologies de développement, les créateurs de logiciels scientifiques opèrent dans un environnement qui rappelle celui de leurs homologues du secteur privé. La liste des langages de programmation les plus populaires évoque celle établie par les sondages s’adressant à l’ensemble des programmeurs, et la plateforme d’exploitation préférée demeure Linux.
Néanmoins, quelques divergences sont frappantes. Ainsi, près de la moitié (49 %) des répondants révèlent que leur équipe n’a suivi aucune méthode de développement établie. Je sais par expérience que les entreprises privées mettent habituellement en place une méthodologie quelconque, même si elle est fabriquée de toute pièce. Scrum (32 %) et Kanban (13 %), les deux réponses qui revenaient le plus souvent, sont des méthodes qui n’émanent pas du milieu universitaire. Peut-être les universités mettent-elles plus de temps à adopter les techniques élaborées par l’industrie.
Autre différence digne de mention : les essais. Douze pour cent seulement des répondants déclarent avoir fait tester leur logiciel par des techniciens spécialisés en la matière et 4 % avouent qu’aucun essai officiel n’a été réalisé. La majorité des développeurs (63 %) procèdent aux essais eux-mêmes. Lisez mon billet précédent sur la façon de créer le meilleur logiciel pour la recherche scientifique et vous comprendrez pourquoi cela, à mon avis, est loin d’être idéal.
Les deux principales plateformes employées pour le développement sont l’ordinateur portable ou de bureau (22 %) et les serveurs indépendants (21 %). Rien de mal là-dedans, bien sûr, cependant l’infonuagique présente de sérieux avantages au niveau de la portabilité et de la collaboration. Les prochains sondages nous en diront plus sur les plateformes de déploiement.
Les développeurs eux-mêmes admettent qu’il y a amplement de place pour des améliorations. En effet, 68 % indiquent qu’ils aimeraient faire partie d’une association professionnelle canadienne et 52 %, que de la formation pourrait leur être utile.
La suite
Que fera CANARIE de ces informations?
Nous cherchons constamment comment rehausser les logiciels afin qu’ils appuient mieux la recherche universitaire au Canada. Les résultats du sondage orienteront donc nos activités à venir. Par exemple, les données glanées lors du sondage précédent, ont transformé l’atelier que CANARIE organisait annuellement pour les développeurs de logiciels scientifiques en véritable colloque canadien de la profession, en 2018 (researchsoftware.ca). Nous approfondirons les résultats du sondage au cours des prochains mois et vous signalerons les principales constatations qu’on en retirera.
Les sondages de ce genre nous aident à déterminer les facettes du développement des logiciels scientifiques sur lesquelles il faut s’attarder. Le prochain posera de nouvelles questions qui nous en apprendront plus sur les équipes qui créent ces logiciels et sur la réutilisation de ces derniers.
Entre-temps, les résultats du sondage sont les vôtres et nous les avons diffusés grâce à une licence de Creative Commons. Pour accéder aux données brutes et aux diagrammes de base, allez à GitHub (DOI 10.5281/zenodo.1472354).